Etre de droite, un tabou français – Eric Brunet (Albin Michel)
En partant d’un constat intéressant – à savoir que
s’affirmer de droite de nos jours revient à être traité de réactionnaire, voire
de facho ; Eric Brunet, journaliste, a écrit un livre sur le fait qu’être
de droite est devenu tabou en France (ça, je crois que personne ne pourra le
contester).
Je me suis donc lancé, alléché, dans la lecture de l’essai,
pensant y trouver des explications et des arguments irréfutables… Autant le
dire tout de suite, il n’en est rien : l’argumentation de l’auteur est
basée sur une succession d’exemples et de théories on ne peut plus subjectives
(celles sur mai 68 - jacquerie de petits bourgeois, et sur les
fonctionnaires - profiteurs de l’Etat, n’étaient pas mal :-(
M. Brunet commence donc son livre- après nous avoir assurer
que son but ici n’était pas de prendre position (ce dont on a du mal à croire
dès les premiers chapitres), en retraçant l’histoire de ce tabou depuis son
origine : la guerre de 39-45 et la collaboration ; il nous explique
ainsi que tous les collaborateurs n’étaient pas de droite, et que tous les
résistants n’étaient pas de gauche. Il continue sur le fait que le communisme a
toujours été mieux vu que le nazisme, alors qu’il a fait beaucoup plus de morts
à travers les âges et dans le Monde (nous citant au passage la sortie très
boycottée du livre Noir du communisme), puis termine en nous disant que
François Mitterrand (dont il rappelle le passé peu – ou plutôt très, glorieux
sous Vichy) a bien su affaiblir sa droite concurrente en la confondant avec
l’extrême droite, équation encore très appliquée de nos jours.
Passé ce chapitre, nous entrons dans le vif du sujet dans
deux longs, très longs chapitres qui ont – à mon appréciation, plus tendance à
s’en éloigner qu’à y pénétrer : le journaliste tente de nous montrer
comment il est devenu difficile de s’affirmer de droite dans le domaine de la
culture, puis des médias.
Même si je pense qu’il n’a pas complètement tort sur le
fond, la forme (enchaîner exemple sur exemple) ne m’a pas franchement
emballée : un exemple doit à mon avis rester illustratif dans ce genre de
démonstration, car je pense que quelqu’un qui voudrait établir une contre
argumentation de sa théorie pourrait tout aussi bien l’appuyer sur de multiples
exemples.
De plus, si l’on ne peut qu’être d’accord avec ce qu’Eric
Brunet nous avance, cela ne défends en rien son idée principale… Je
m’explique : certes, ne pas penser politiquement correct (par exemple être
contre la gay pride) revient à se faire regarder de travers, mais je ne vois
pas en quoi cela est un engagement politique ; de même, il critique ceux
qui attaquent sans réelles raisons les USA, mais il convient lui-même que (en
France) même la droite s’y est mise, Jacques Chirac en première ligne…
En cela, je pense que M. Brunet s’est fortement
éloigné de sa thèse principale, même si on devine où il veut en venir, on
pouvait s’attendre à mieux qu’à tant d’amalgames de la part d’un
professionnel : on a parfois l’impression qu’il parle de l’extrême gauche
et du communisme comme de LA gauche, et n’hésite pas à placer les socialistes
tantôt à gauche, tantôt à droite selon ce qui l’arrange.
Eric Brunet termine son livre par deux chapitres dans
lesquels il revient de manière un peu plus précise sur ses théories : être
de droite dans l’éducation et dans le travail, bien que, encore une fois, je
trouve qu’il s’éloigne un peu du sujet.
Selon moi, que les Instituts Universitaires de Formation des
Maîtres (IUFM) apprennent à tous les professeurs à enseigner de la même façon
(et avec des méthodes de moins en moins pointues) est bien triste, mais je ne
vois pas en quoi cela est une propagande de gauche ; de même, lorsqu’un
ouvrier n’est pas en accord avec son syndicat représentatif, je ne vois pas pourquoi
il serait forcément de droite, et inversement…
Décevant donc, même si le livre reste très intéressant et
que je ne regrette pas de l’avoir lu jusqu’au bout ; je pense qu’il est à
réserver à une certaine élite (dont je ne fais pas partie), qui connaîtrait les
exemples - et surtout les contre-exemples, de la théorie de M. Brunet afin de
s’en faire elle-même sa propre opinion.