François Bayrou se décrédibilise
Visiblement enivré par les 18 % de votes en sa faveur,
François Bayrou n’a pas dû émettre l’hypothèse que les sept millions de voix
d’électeurs égarés qui sont venues se rabattre sur lui ne seront peut-être plus
siennes dans cinq ans, voire d’ici les législatives ou - encore mieux, d’ici le
6 mai (si ce n’est d’ailleurs pas déjà le cas). Aussi, le Président de l’UDF
continue d’agir comme s’il était toujours dans la course à l’Élysée (il
faut dire que les tentatives de ralliement lamentables des deux candidats
restants - mettant en avant un troisième homme dans le débat, n’arrangent guère
les choses) et se permet même le luxe de renommer son propre parti en annonçant
une force nouvelle, « la seule force nouvelle de notre pays »
(!).
Rappelons tout de même que l’UDF existe depuis presque
trente ans, qu’il a déjà eu un Président de la République (Valery Giscard
d’Estaing), que François Bayrou a été ministre sous le gouvernement d’Alain
Juppé, et qu’il était déjà candidat à l’élection présidentielle de 2002.
Toujours est-il que M. Bayrou, en prononçant un discours tel
que celui qu’il a prononcé dans l’après-midi, vient de se décrédibiliser.
En effet, trop emporté par l’élan que vient d’avoir son
parti, François Bayrou en a même oublié ce qu’il a promis (et continue de
promettre), à savoir sortir du clivage gauche-droite, créer une « force
de contre-pouvoir, libre, capable de dire oui si l’action va dans le bon sens
et non si elle va dans le mauvais sens » (quelle modestie ceci dit) et
« faire sortir la politique des réflexes du toujours pour et du
toujours contre » ; car, en dénonçant le programme de Ségolène
Royal comme allant « exactement à l’encontre, en sens contraire, des
orientations nécessaires pour rendre à notre pays et à son économie leur
créativité et leur équilibre » sans en préciser les points sur
lesquels il est en accord ; et en s’attaquant à Nicolas Sarkozy sur sa
personnalité plutôt que sur son programme « Nicolas Sarkozy, par sa
proximité avec les milieux d’affaires et les puissances médiatiques, par son
goût de l’intimidation et de la menace, va concentrer les pouvoirs comme jamais
ils ne l’ont été. Par son tempérament, et les thèmes qu’il a choisis d’attiser,
il risque d’aggraver les déchirures du tissu social, notamment en conduisant
une politique d’avantage au plus riche », n’est-il pas en train d’agir
justement de la manière qu’il prétend combattre (toujours contre) ?
Au final, la seule chose intelligente qu’ait pu dire le
Président de l’UDF, c’est que « les Français qui ont voté pour moi sont
en conscience des citoyens libres de leur choix », mais ça, j’imagine
qu’ils n’ont pas attendu qu’il le dise pour l’être.
Navré, M. Bayrou, mais vous êtes ma cible du jour, car si je
peux passer sur le fait que vous prétendiez pouvoir dénoncer ce qui est bien ou
mal pour notre pays, sans préciser que cela reste VOTRE opinion, que vous
espériez effacer votre passé et celui de votre parti simplement en le renommant
et en prétendant n’accepter (dés lors) plus « aucune soumission ou
ralliement à l’un des deux camps » ; permettez-moi de vous
rappeler que ce n’est pas votre programme qui a été retenu dimanche dernier,
mais tout de même que les sept millions de Français qui ont voté pour vous ne
l’ont pas fait pour vos beaux yeux et pour le bien de votre parti, mais bien pour
les idées que vous véhiculiez, alors essayez pour le moins de vous y tenir et d’en
montrer l’exemple.