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Le grand salon de discussion
11 mai 2007

Entre fascisme, révolte gauchiste et répression

« Au sein de la nébuleuse révolutionnaire, un terme semble résumer la vision de la période : celui du fascisme. De la répression au fascisme, le glissement s’opère en effet aisément. […] La logique qui anime de telles interprétations n’est pas de l’ordre de la rationalité, mais de la « rage » contre un pouvoir qui réprime et une société qui refuse de faire sienne la perspective révolutionnaire. […] Le fascisme est annoncé sur le mode de l’imminence. Il est censé venir d’ « en haut », de l’Etat lui-même et plus précisément du ministère de l’Intérieur. […] Au début des années soixante-dix, le thème du fascisme structure une représentation de la société française et une façon de raisonner ou de déraisonner dont la France des années quatre-vingt-dix subit encore les effets. Loin de combattre le danger réel que constitue la montée de l’extrême droite en France, cette vision entretient une dangereuse confusion. »
Voici ce qu’écrit Jean-Pierre Le Goff, philosophe de formation et sociologue, dans son livre « Mai 68, l’héritage impossible » (La Découverte). Je précise que cet ouvrage était initialement sorti dans les années quatre-vingt-dix, donc avant le score de Jean-Marie Le Pen aux élections de 2002, et bien avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. 

On peut distinguer deux Mai 68 : celui qui a démarré bien avant cette date et qui a véhiculé la pensée anarchiste et apolitique (d’une génération qui vécue la transition entre l’époque de ses parents qui avaient connu la Guerre et celle de ses enfants qui ne connaissent que la guerre économique de consommation et de loisirs) qui a abouti à la pensée humaniste de la société et la civilisation dans laquelle nous vivons encore à l’heure actuelle, une sorte de pensée soixante-huitarde symbolique à laquelle nous n’hésitons pas à faire référence (en bien ou en mal) régulièrement encore de nos jours ; et celui - beaucoup plus politisé à l’extrême gauche, qui a démarré en mai, mais qui s’est largement étoffé dans son immédiat d’après (les étudiants et « enragés » qui se sont aperçus que la révolution n’était pas réalisable sans l’appui des ouvriers se sont soudainement rapprochés des multiples partis prônant la révolution et des syndicats qu’ils rejetaient quelques semaines auparavant – rappelons que les accords de Grenelle négociés par les syndicats n’ont jamais été signés mais en partie appliqués dans les mois qui suivirent par le gouvernement). Ce Mai 68-là était en ce sens bien plus proche de la révolution gauchiste que de la pensée libertaire omniprésente à l’époque ; c’est d’ailleurs en ce sens que la révolte n’a jamais pu aboutir : si l’opinion publique eut un courant de sympathie au départ des faits en voyant la (sévère) répression de la police sur les manifestants, elle s’en est vite détachée en voyant la violence de certains de ses mêmes manifestants/émeutiers, et la peur d’une révolution communiste comme il avait pu en avoir dans d’autres pays (et dont la menace était très présente et réelle à l’époque) a fait voté les citoyens pour le gouvernement en cours (« J’me souviens surtout d’ces moutons, effrayés par la liberté, s’en allant voter par millions pour l’ordre et la sécurité » chantera des années plus tard Renaud). 

Je ne peux m’empêcher d’émettre les similitudes qu’il y a entre l’époque de Mai 68 et la notre (bien que je sois conscient que cela n’ait strictement rien à voir) : la facile assimilation entre Nicolas Sarkozy et le fascisme par ses opposants, le rejet de l’autorité et la violence envers les force de l’ordre, les émeutes contre le Président nouvellement (et démocratiquement) élu…
A ce propos, je souhaiterais éclaircir ma position à ce sujet : pour moi, manifester son mécontentement et son opposition aux réformes que proposent le gouvernement, c’est un droit, et je dirais même que c’est utile et nécessaire pour s’exprimer et montrer que le gouvernement propose des lois qui ne conviennent pas forcément à tout le monde, ni à toute les visions du monde (cela montre, en fait, que quoi qu’il se passe, la sanction - par le biais du vote, n’est jamais très loin) ; chercher à imposer son opinion au gouvernement et au peuple français en manifestant son désaccord sur la récente élection d’un Président (qui n’est d’ailleurs pas encore entré en fonction) ou en réclamant qu’un projet de loi soit purement et simplement abandonné sans quoi on bloquera certains accès du et au pays, c’est anti-démocratique ; casser et brûler des voitures et des vitrines de magasins de personnes qui n’ont rien demandé ou s’en prendre aux fonctionnaires de police (ou aux pompiers), c’est tout simplement intolérable et inadmissible. D’autant plus que, croyez-moi, ça ne fait que renforcer l’opinion publique envers M. Sarkozy, qui ne regarde plus que l’Etat fort prôné par ce dernier (pour preuve, la perte des voix de M. Le Pen au profit de l’ancien ministre de l’Intérieur), au lieu de se pencher sur ses vraies idées et réformes qui seraient bien capables de le perdre…
Si la Gauche (ses cadres comme ses sympathisants) veut vaincre Nicolas Sarkozy aux prochaines élections (législatives ou présidentielles), il va falloir qu’elle s’organise différemment de ce qu’elle a pu montré jusqu’à présent, et qu’elle fasse front, idéologiquement.

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Commentaires
B
qu'elle fasse front idéologique ment. Ben elle le fait, du moins à la base, les querelles de personnes à la tête le faisant un peu oublier. Mais : il lui manque : les caisses de résonance médiatiques - des porte-paroles faisant l'unanimité - de la discipline qu'elle ne saurait avoir sans se dénaturer
P
l'humanisme n'est pas né en 1968... et je rappelle que le libéralisme vértitable tel que l'envisage Adma Smith est un humanisme. Un jour Elisabeth Badinter nous a dit que sa génération était une génération de médiocre, et que ce que cette génération et elle meme avait fait en 68 n'était rien au regard de l'histoire. <br /> <br /> Je pense aussi que l'élection de Nicolas Sarkozy marque un tournant culturel au moins aussi important que 1981.<br /> <br /> Pour ce qui est des futures réformes, à voir ce qui se passe dans les AG estudiantines, le gourvernement n'a pas trop à s'en faire tellement la gauche et surtout les gauchistes sont dans un état lamentable.
B
>> Arlequin : Puisque tu me poses la question, je vais y répondre. Oui, je trouve digne d’un président de la République (bien qu’à l’époque seulement candidat) de proposer aux Français de pouvoir travailler plus pour gagner plus afin de tenter de relancer la croissance et le pouvoir d’achat (bien que - je suis d’accord avec toi, cela ne réglera pas les problèmes de chômage et de pauvreté)…<br /> Personnellement, avoir le choix de me faire payer mes heures supplémentaires plutôt que de me voir imposer des RTT est loin de me déplaire. De plus que – selon moi, il y a de fortes chances que ce soit un mal pour un bien au niveau national : si les 35 heures ont créé des emplois, elles n’ont pas empêché les emplois à temps partiels et les travailleurs pauvres (voire carrément les a favorisé). Si c’est cela la solution au chômage (« travailler moins pour travailler tous »), j’y ai de franches réserves !
A
je ne sais pas si j'ai une vision trop idyllique de mai 68! Mais c'était la vie qui pétillait, le besoin de changer et d'évoluer qui se manifestait<br /> Et puis il y a eu la grande manif avec à sa tête les vieux cons, Debré et consors...<br /> la réaction triomphait, comme toujours dans les révolutions! Il n'empêche que la société n'a plus jamais été la même!<br /> C'est pourquoi, pour le staff de Sark qui veut "liquider l'héritage de mai 68", cette référence a évidemment du sens: flatter le bourgeois qui sommeille en chacun d'entre nous!!!<br /> Je veux une France de petits propriétaires, a-t-il dit, bravo! Travailler plus, gagner plus, se lever tôt! Alors qu'il y a des millions de chômeurs, de RMistes et de précaires et de temps partiels qui ne demadent qu'à bosser !<br /> Franchement tu trouves ça digne pour un Président?<br /> Je sais qu'en politique seules les idées simples fonctionnent. On a été gâtés cette fois-ci!<br /> On m'a même cité l'exemple de militants UMP distribuant des croissants à 7h et demi du matin!!!<br /> Quelle misère! <br /> à+ Bastogi
B
>> Arlequin : Je n’ai jamais douté de tes capacités à défendre ta position. Chacun a ses idées, et tu viens de très bien justifier les tiennes.<br /> Bon, il est vrai que je ne serais pas autant pessimiste que toi en ce qui concerne Nicolas Sarkozy (ses tentatives de rassemblement montrent qu’il n’a pas envie de se faire détester et n’a pas l’intention de gouverner que pour les seuls qui ont voté pour lui) ; et tout le monde n’a pas une opinion aussi optimiste que la tienne à propos de Mai 68 (M. Sarkozy n’est pas complètement bête, s’il a dénigré cet évènement, c’est parce qu’il savait très bien qu’il allait être – en partie, suivi ; je pense d’ailleurs que tu as raison : c’était stratégique).<br /> Juste un point : les accords de Grenelle n’ont jamais été signés par les grévistes de 68, seuls les syndicats ont été satisfaits (dans un premier temps), avant de convenir sous les huées de la foule qu’ils étaient insuffisants…
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