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Le grand salon de discussion
15 juin 2007

Mai 68, l’héritage impossible – Jean-Pierre Le Goff (La découvertes/Poche)

Mai_68« Mai 68 est sans contexte l’évènement social et culturel le plus important qu’ait connu la société française depuis 1945. Et pourtant, près de quarante ans après, il est toujours loin d’être assumé en tant que tel ». En effet, comment contester que Mai 68 ait encore une place des plus spéciales au sein de notre société ? Personne n’a-t-il jamais entendu les syndicats menacer d’un nouveau Mai 68 ? Les gouvernements parler de Grenelle ? La Droite vouloir combattre les idées de Mai ? La Gauche vouloir les perpétrer ? C’est en en partant de ce constat que Jean-Pierre Le Goff a décidé en écrivant ce livre de contribuer à faire « assumer enfin de façon critique l’héritage de Mai »…

Première remarque, l’auteur est un philosophe de formation et sociologue, et autant dire que cela s’en ressent dans son récit : il privilégie en effet le côté sociologique sur le côté historique des faits. Aussi, je vous conseille vivement de bien connaître votre sujet avant de vous lancer dans la lecture de cet essai.
M. Le Goff commence donc son livre en relatant les évènements de Mai 68, leurs causes et leur idéologie. Il nous explique ainsi que les soixante-huitards étaient des étudiants en manque de militantisme (dû en grande partie à un ennui profond), qui ont réussi à entraîner leurs jeunes collègues dans une contestation anarchique et joviale de la société contemporaine.
Planaient alors un fort rejet de tout engagement politique (ou syndical – rappelons que les accords de Grenelle négocié par la CGT seront rejetés par les manifestants), ainsi qu’un pacifisme profond, qui ne fut hélas pas respecté par tous : si la répression des forces de l’ordre sur les manifestants a attiré la sympathie de l’opinion publique envers les jeunes, la violence grandissante de ces derniers finît par retourner les choses contre eux, et c’est largement que le Parti du Général De Gaulle remporta les élections anticipées qu’il avait demandé…
C’est ainsi que la deuxième partie de se livre est consacrée à la politisation de ce mouvement, suite au fait que certains « enragés » comprirent qu’ils ne pourraient amener la révolution sans l’aide de la classe ouvrière. L’auteur nous décrit donc les divers courants d’extrême gauche (trotskiste, marxiste-léniniste et maoïste pour les plus répandus), sa flambée et son implosion, avec un petit chapitre sympathique dédié à la naissance du quotidien Libération.
Malheureusement pour la Gauche, une grande partie des ouvriers (lorsqu’ils ne sont pas dans la crainte d’être abandonnés du jour au lendemain par ces étudiants plein de fougue) se complait dans le système capitaliste de l’époque, en tout cas suffisamment pour ne pas vouloir risquer de faire une révolution.
La troisième partie traite d’une contre-culture naissante qui lancera bien des courants de pensée qui seront toujours d’actualité aujourd’hui : l’apprentissage, le féminisme, l’écologie etc. C’est d’ailleurs en partie ces mouvements (qui prennent de plus en plus d’ampleur) qui seront à l’origine d’un certain déclin des idées communistes pures et dures. Jean-Pierre Le Goff n’hésite pas à nous citer quelques exemples où la théorie suivie et poussée à l’extrême (notamment pour le féminisme, qui en vient à proclamer les bienfaits d’être lesbiennes plutôt qu’hétérosexuelles – plus par conviction que par sentiment, et parfois à assassiner ses propres enfants handicapés considérés comme des entraves à leur liberté) peut devenir dangereuse.
C’est la publication en France de certains ouvrages dénonçant le Communisme (les goulags, les déportations etc.) qui verra à jamais disparaître le fort mouvement de sympathie concernant la Gauche et ses idées révolutionnaires. Certains « nouveaux philosophes » - dont Bernard-Henri Lévy (sur lequel l’auteur ne mâche pas ses mots – un régal ! ;-) se faisant, après avoir soutenue les idées marxiste, les grands dénonciateurs de ce système et ont ainsi créer – selon M. Le Goff « l’ère du vide » que la France a traversé dans les années qui suivirent…
Vient ensuite la, ou plutôt les conclusions de l’auteur dans lesquelles il nous réaffirme (entre autres) que « Le gauchisme a voulu concrétiser jusqu’au bout l’utopie de la Commune étudiante et en a montré l’impossible réalisation » ; que de nos jours encore Mai 68 a du mal à sortir d’un schématisme qui en fait un bouc émissaire ou bien au contraire « le précurseur d’une libération des mœurs et de la culture qui triomphe aujourd’hui » et, pour terminer, que cela rend l’héritage de Mai impossible car « C’est hors de ce champ qu’un renouveau de la politique et de la culture est possible ».

Il est bien entendu que je n’ai retracé ici que les grandes lignes que j’ai pu retenir de la lecture de ce livre, et qu’il mériterait bien plus de place si l’on voulait en décrire tout ce qu’il contient (bien que les commentaires restent évidemment ouverts aux éventuels débats) car, comme l’affirmera Télérama « C’est un gros pavé sur Mai 68. (Et un sacré pavé dans la mare !) », rempli de références aux écrits de l’époque qui le rendent certes difficile à aborder, mais qui – je peux vous l’assurer, est vraiment très intéressant et instructif à lire.

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Commentaires
L
tiens ça me donne envie de l'acheter! J'aime bien Le Goff...<br /> <br /> "Il nous explique ainsi que les soixante-huitards étaient des étudiants en manque de militantisme (dû en grande partie à un ennui profond), qui ont réussi à entraîner leurs jeunes collègues dans une contestation anarchique et joviale de la société contemporaine." : enfants gâtés des trente glorieuses, en fait?;)<br /> Une des rares générations à n'avoir pas connu la guerre, alors ils ont voulu s'inventer un idéal...
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