Charles Pasqua – Ce que je sais… (Seuil)
Charles Pasqua.
La seule évocation de ce nom suffirait à lancer une
multitude de débats : sa politique très controversée au sein du ministère
de l’Intérieur en 86/88 et 93/95 ; sa trahison envers Jacques Chirac pour
soutenir Edouard Balladur ; la création de son propre Parti, son
rapprochement d’avec Philippe de Villiers ; les affaires qui l’ont
finalement rattrapé etc.
J’ai trouvé intéressant de me lancer dans la lecture de ce
livre afin de découvrir l’opinion d’un personnage politique qui – vingt ans
auparavant, menait (à quelques choses près) la même politique que Nicolas
Sarkozy ces cinq dernières années ; à cette différence près qu’il le
faisait par conviction et non par populisme…
Le premier tome de ses mémoires concerne le septennat de Valéry
Giscard d’Estaing ainsi que le premier de François Mitterrand, avec une large
partie consacrée à la cohabitation (plus de la moitié du livre sur les deux
dernières années).
L’auteur revient donc dans un premier temps sur la division
de l’UDR entre ceux qui soutiendraient Jacques Chaban-Delmas et ceux qui
soutiendraient Valéry Giscard d’Estaing (dont faisait partie Jacques Chirac –
l’auteur estimant que ses idées ne concordaient nullement avec le Gaullisme).
Estimant que M. Chaban-Delmas ne passerait le premier tour, M. Pasqua nous
explique comment il convainc M. Chirac de garder ses distances avec M. Giscard
d’Estaing afin de mieux pouvoir le trahir, car c’est bien d’une trahison
dont se souviendront certains historiens de cette période, et ce, même si
l’auteur s’en défend : « Pour qu’il y ait trahison, il eût
fallu que les protagonistes soient dans le même camp. Tel était le cas en 1974,
où l’apport d’une partie des voix gaullistes avait été décisif dans le succès
de sa candidature obtenu à la marge ; pourtant il (Valéry Giscard
d’Estaing) ne l’avait pas pris en compte ». Or, non seulement nous
venons de voir qu’il avait lui-même conseillé à Jacques Chirac de prendre ses
distances bien avant les résultats des élections, mais en plus il avoue
lui-même dans son livre que l’attitude M. Giscard d’Estaing (en plus de l’avoir
nommer Premier ministre) envers M. Chirac était plutôt positive, cela
l’étonnant même (il était persuadé que Valéry Giscard d’Estaing allait se
servir de Jacques Chirac pour décomposer et se faire rallier les
« Gaullistes », puis - une fois utilisé, le jetterait).
L’auteur nous explique ensuite (selon lui) les causes de la
défaite de 1981, et le désastre engendré par l’arrivée des socialistes au
pouvoir avec au programme une augmentation massive de la dépense publique,
celle des impôts, ainsi que les nationalisations (d’établissements
bancaires et de groupes industriels) : la hausse de 10% du SMIC, de 20% du
minimum vieillesse, de 25% des allocations logement feront monter le chômage,
la dette et créeront quatre dévaluations du franc successives…
Que tout cela soit dû ou non à la politique de François
Mitterrand de l’époque, force est de constater qu’une période de
« rigueur » et un changement de politique économique suivront, ne
laissant subsister que quelques mesures du programmes original…
Trop tard. Les français voteront majoritairement pour
l’opposition, et la première cohabitation de la Ve République se mit en place.
Charles Pasqua revient (entre autres, mais je survolerai
volontairement les nombreuses anecdotes – si intéressantes soient-elles,
racontées dans cet ouvrage : la taille de ce post étant déjà suffisamment
importante) sur les manifestations lycéennes de décembre 1986 et la mort de
Malik Oussekine (qu’il considère comme un drame, et en assume pleinement ses
responsabilités), alors qu’il tentait - selon ses dires, de convaincre Jacques
Chirac de retirer le texte faisant polémique, estimant qu’il ne fallait pas se
couper de la jeunesse…
Tandis que certains voient la politique menée par Charles
Pasqua en tant que ministre de l’Intérieur (notamment sa défaillance) comme un
début d’échec, ce dernier ne voit (sans doute n’a-t-il pas complètement tort)
que la division de la droite responsable de la défaite du RPR en 1988. En
effet, les attaques incessantes de François Léotard puis de Raymond Barre sur
le gouvernement plutôt que sur la Gauche permirent à M. Mitterrand d’arriver en
tête des suffrages, et le report (non crédible) des voix finit défaire M.
Chirac…
Le livre se termine avec une introduction à sa future
( ?) suite : Jacques Chirac souhaitant une entrevue avec l’auteur
n’aborde pas les raisons de leur déroute mais se penche plutôt sur l’avenir,
persuadé qu’il était bon de conserver l’élan de rassemblement qu’avait provoqué
le deuxième tour. Cela eut le don de mettre M. Pasqua en colère (il reste
encore à l’heure actuelle persuadé que si M. Chirac l’avait écouté, avait
clairement positionné sa candidature à droite – sans se rapprocher du
Centre ; avait attendu le tout dernier moment pour lancer sa candidature –
il est vrai que François Mitterrand se déclarant après lui eut un avantage
certain, d’autant plus que la Droite se disputait à tout va ; le RPR
aurait gagné cette élection – sans regarder ses potentielles propres erreurs,
notamment celle de tendre la main au Front National qui leur fit certainement
perdre une partie de l’électorat républicain au profit de M. Mitterrand…) et
entama le froid qui allait se répandre entre les deux hommes, avec la suite que
l’on connaît.