Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le grand salon de discussion
6 juillet 2007

Charles Pasqua – Ce que je sais… (Seuil)

PasquaI - Les Atrides 1974 – 1988

Charles Pasqua.
La seule évocation de ce nom suffirait à lancer une multitude de débats : sa politique très controversée au sein du ministère de l’Intérieur en 86/88 et 93/95 ; sa trahison envers Jacques Chirac pour soutenir Edouard Balladur ; la création de son propre Parti, son rapprochement d’avec Philippe de Villiers ; les affaires qui l’ont finalement rattrapé etc.
J’ai trouvé intéressant de me lancer dans la lecture de ce livre afin de découvrir l’opinion d’un personnage politique qui – vingt ans auparavant, menait (à quelques choses près) la même politique que Nicolas Sarkozy ces cinq dernières années ; à cette différence près qu’il le faisait par conviction et non par populisme…

Le premier tome de ses mémoires concerne le septennat de Valéry Giscard d’Estaing ainsi que le premier de François Mitterrand, avec une large partie consacrée à la cohabitation (plus de la moitié du livre sur les deux dernières années).
L’auteur revient donc dans un premier temps sur la division de l’UDR entre ceux qui soutiendraient Jacques Chaban-Delmas et ceux qui soutiendraient Valéry Giscard d’Estaing (dont faisait partie Jacques Chirac – l’auteur estimant que ses idées ne concordaient nullement avec le Gaullisme). Estimant que M. Chaban-Delmas ne passerait le premier tour, M. Pasqua nous explique comment il convainc M. Chirac de garder ses distances avec M. Giscard d’Estaing afin de mieux pouvoir le trahir, car c’est bien d’une trahison dont se souviendront certains historiens de cette période, et ce, même si l’auteur s’en défend : « Pour qu’il y ait trahison, il eût fallu que les protagonistes soient dans le même camp. Tel était le cas en 1974, où l’apport d’une partie des voix gaullistes avait été décisif dans le succès de sa candidature obtenu à la marge ; pourtant il (Valéry Giscard d’Estaing) ne l’avait pas pris en compte ». Or, non seulement nous venons de voir qu’il avait lui-même conseillé à Jacques Chirac de prendre ses distances bien avant les résultats des élections, mais en plus il avoue lui-même dans son livre que l’attitude M. Giscard d’Estaing (en plus de l’avoir nommer Premier ministre) envers M. Chirac était plutôt positive, cela l’étonnant même (il était persuadé que Valéry Giscard d’Estaing allait se servir de Jacques Chirac pour décomposer et se faire rallier les « Gaullistes », puis - une fois utilisé, le jetterait).

L’auteur nous explique ensuite (selon lui) les causes de la défaite de 1981, et le désastre engendré par l’arrivée des socialistes au pouvoir avec au programme une augmentation massive de la dépense publique, celle des impôts, ainsi que les nationalisations (d’établissements bancaires et de groupes industriels) : la hausse de 10% du SMIC, de 20% du minimum vieillesse, de 25% des allocations logement feront monter le chômage, la dette et créeront quatre dévaluations du franc successives…
Que tout cela soit dû ou non à la politique de François Mitterrand de l’époque, force est de constater qu’une période de « rigueur » et un changement de politique économique suivront, ne laissant subsister que quelques mesures du programmes original…
Trop tard. Les français voteront majoritairement pour l’opposition, et la première cohabitation de la Ve République se mit en place.
Charles Pasqua revient (entre autres, mais je survolerai volontairement les nombreuses anecdotes – si intéressantes soient-elles, racontées dans cet ouvrage : la taille de ce post étant déjà suffisamment importante) sur les manifestations lycéennes de décembre 1986 et la mort de Malik Oussekine (qu’il considère comme un drame, et en assume pleinement ses responsabilités), alors qu’il tentait - selon ses dires, de convaincre Jacques Chirac de retirer le texte faisant polémique, estimant qu’il ne fallait pas se couper de la jeunesse…

Tandis que certains voient la politique menée par Charles Pasqua en tant que ministre de l’Intérieur (notamment sa défaillance) comme un début d’échec, ce dernier ne voit (sans doute n’a-t-il pas complètement tort) que la division de la droite responsable de la défaite du RPR en 1988. En effet, les attaques incessantes de François Léotard puis de Raymond Barre sur le gouvernement plutôt que sur la Gauche permirent à M. Mitterrand d’arriver en tête des suffrages, et le report (non crédible) des voix finit défaire M. Chirac…
Le livre se termine avec une introduction à sa future ( ?) suite : Jacques Chirac souhaitant une entrevue avec l’auteur n’aborde pas les raisons de leur déroute mais se penche plutôt sur l’avenir, persuadé qu’il était bon de conserver l’élan de rassemblement qu’avait provoqué le deuxième tour. Cela eut le don de mettre M. Pasqua en colère (il reste encore à l’heure actuelle persuadé que si M. Chirac l’avait écouté, avait clairement positionné sa candidature à droite – sans se rapprocher du Centre ; avait attendu le tout dernier moment pour lancer sa candidature – il est vrai que François Mitterrand se déclarant après lui eut un avantage certain, d’autant plus que la Droite se disputait à tout va ; le RPR aurait gagné cette élection – sans regarder ses potentielles propres erreurs, notamment celle de tendre la main au Front National qui leur fit certainement perdre une partie de l’électorat républicain au profit de M. Mitterrand…) et entama le froid qui allait se répandre entre les deux hommes, avec la suite que l’on connaît.

Publicité
Commentaires
B
A l'assemblée nationale, n'a pas fait progresser le FN à l'époque et n'a aucune raison de faire peur. Cela pollue en effet le débat.
M
C'est important de le préciser car depuis que la droite a utilisé cet argument à la fin des années 80, la proportionnelle est systémtiquement associée à l'entrée du FN à l'assemblée, ce qui pollue totalement le débat.
B
>> Malakine : Je suis d’accord avec toi, la suite des évènements donnera finalement raison à M. Pasqua puisque c’est en se positionnant clairement à droite que Nicolas Sarkozy a été récemment élu (bien qu’une position plus floue n’avait pas empêché Jacques Chirac de se faire élire en 1995 et en 2002).<br /> Lorsque je parlais de la suite des évènements, je pensais surtout aux évènements « proches » qui ont suivi la rupture entre Jacques Chirac et Charles Pasqua, à avoir le soutien de ce dernier à Edouard Balladur qui a entraîné sa « mort politique » après la déroute de ce lui-ci…<br /> <br /> En ce qui concerne les législatives, il est bien entendu – et M. Pasqua ne le nie pas, que c’était pour limiter la casse et barrer la route à l’opposition que François Mitterrand avait décidé d’instaurer la proportionnelle… Toujours est-il que cela a ouvert un couloir au Front National (Charles Pasqua cite d’ailleurs à ce sujet les mémoires de Michel Rocard). Cependant, je suis d’accord que ce n’est pas forcément cela qui a contribué le plus à faire se développer le FN.
M
Il me semble que la suite des évènement ont donné raison à pasqua. C'est bien en faisant une campagne à droite toute que Sarko a siphonné l'électorat du front et a pu gagner. <br /> <br /> Ensuite, j'en ai assez d'entendre que c'est en instaurant la proportionnelle en 86 que Mittérant a favorisé le FN ! La proportionnelle, il l'a simplement faite pour limiter la casse pour le PS tellement les élections s'annonçaient désastreuses. <br /> <br /> Le FN, il l'a favorisé avec une politique européenne antinationiste, et une politique de l'immigration différencialiste (alors que la tradition républicaine est assimilationiste)<br /> <br /> Je suis assez âgé pour me souvenir de cette époque. Dans les années 84/86, le mot d'ordre c'était "le droit à la différence" et "touche pas à mon pote" ... Inconcevable aujourd'hui.
Å
Pasqua et sa redoutable lucidité m'ont toujours bien fait rire.
Publicité
Archives
Publicité