Pourquoi je suis moyennement démocrate – Vladimir Volkoff (Editions du rocher)
Réfutant la pensée unique et le politiquement correct,
Vladimir Volkoff était un essayiste et romancier assez controversé et
polémique : il n’hésitait pas à remettre en cause l’idéal démocratique et
à mettre en avant ce qu’il appelait la désinformation. Aussi, lorsque
l’on me proposa la lecture de ce livre, mon côté rebelle et ma curiosité de
connaître les arguments que pourraient avancer ce genre de personnage
prirent-ils le dessus…
Facile à lire avec sa centaine de pages divisée en
vingt-et-un chapitres, ce livre m’a plutôt surpris quant à son contenu. En
effet, extrémistes de tous poils, ne vous attendez pas à trouver ici une
quelconque éloge du totalitarisme ou une apologie des grands dictateurs, bien
au contraire : l’auteur incite plutôt à se pencher sur les défaut de notre
système afin de tendre à en corriger les erreurs et – pourquoi pas, même s’il
est vrai que l’on ressent chez lui un certain goût de l’aristocratie (qu’il
préfère largement à la démocratie), à le rendre plus « vivable ».
Ainsi en arrive-t-il même à nous affirmer qu’en Suisse, il aurait pu être « passionnément »
démocrate.
M. Volkoff nous expose un par un de manière assez simple et
explicite (à tel point que l’on aurait parfois préféré qu’il étaye un peu ses
positions) les raisons pour lesquelles il est « moyennement »
démocrate : il doute que les personnes politiques capables de solliciter
au mieux les suffrages soient également les meilleures capables de gouverner,
d’autant plus qu’elles favoriseront les personnes qui ont voté pour elles en
ignorant catégoriquement les autres (il rappelle qu’une victoire à la majorité
de 50% plus une voix est fondamentalement différente d’une décision prise en
consensus par l’ensemble de la population) ; parce qu’il a l’impression
qu’un véritable complot (entre autres à travers les multiples médias) contre
tout ce qui n’est pas démocratique est existant (donc – contradictoirement,
directement opposé à la liberté d’expression), sous couvert du politiquement
correct qui étouffe les débats et sous prétexte que la démocratie est le
meilleur régime indiscutable de gouvernance ; parce que la démocratie part soit
du principe que le peuple veut forcément le Bien, soit que ce qu’il veut est
forcément bien (on comprend aisément ses réticences à ce sujet-là, notamment au
niveau de la nation) ; parce que sous le masque de la volonté du bien
général, elle a souvent abouti au totalitarisme ; parce qu’elle préfère la
suprématie du nombre (une personne = un vote = une voix) à celui du
mérite ; parce qu’il ne croit guère au principe de l’égalité absolu et à
la Déclaration universelle des droits de l’homme ; parce que la démocratie
est contre-nature ; parce qu’il estime que, de toute manière, la
démocratie n’a jamais vraiment marché (et ne le pourra jamais) ; parce
qu’il aimerait que l’on nous laisse le choix avec d’autres types de
gouvernance et parce que la démocratie en arrive parfois à bafouer ses
propres principes (prenant par exemple les Etats-Unis qui forcent d’autres pays
à l’adopter, ou d’autres pays occidentaux cherchant à imposer la liberté à des
pays qui ne l’avaient pas forcément demandé etc.).
Il est bien entendu que si l’on ne peut qu’être d’accord
avec certaines de ses oppositions, d’autres sont – à mon appréciation, beaucoup
plus discutables. Ainsi me suis-je demandé si j’avais bien lu lorsque j’ai vu (sur
le principe d’égalité) que « On ne peut que se réjouir de la
disparition progressive d’une certaine misère, mais faut-il se féliciter du
même coup de l’appauvrissement des classes fortunées qui, dans le temps,
avaient le loisir et les moyens de favoriser les arts, de l’ébénisterie à
l’opéra ? […] Nous avons plus de bacheliers et d’avantage
d’illettrés ; moins de pauvres et plus de chômeurs […] On ne voit pas ce qu’il peut y avoir de sain
dans cette évolution ».
Le dernier chapitre, dans lequel l’auteur est censé nous
dire quels changements pourraient le faire changer d’avis n’est en fait qu’une
justification de l’aristocratie (sans qu’il ne la nomme expressément) puisque –
entre autres, il finit son essai en affirmant qu’il doute de plus en plus des
bienfaits des urnes (principe fondamental de la démocratie) sur notre système
politique (par opposition à des décision prises par une certaine élite dont je
pense qu’il estimait faire partie).
Cependant, pour pouvoir connaître et débattre de ce qu’il
propose, il faudra vous procurer un autre essai, à savoir Pourquoi je serais
plutôt aristocrate. En tout cas, pour ma part, je suis d’accord que la
démocratie est loin d’être parfaite, mais je reste intimement persuadé qu’elle
n’est pas forcément le pire système qui nous convienne à l’heure actuelle. Car
lorsque j’entend certaines personnes (après une analyse certes pertinente) nous
avancer que la démocratie est corrompue, et que je me rends compte que c’est
surtout l’usage que l’on en fait (donc plutôt le cœur des hommes) qui est
corrompu, je me demande si le fait de laisser mon avenir en décision à une
certaine élite serait meilleur pour mes intérêts : ces personnes-là
sont-elles réellement supérieures à nous du point de vue de la nature humaine,
ou bien finiraient-elles - elles aussi, par ne regarder plus que leurs intérêts
avant tout ?
Le débat est lancé…