Marine Le Pen s’y verrait bien…
Invitée de Jean-Jacques Bourdin sur RMC mercredi dernier, Marine Le Pen a affirmé qu’elle aimerait se présenter aux
élections présidentielles de 2012 pour représenter les « nationaux »…
Sachant qu’elle n’avait pas répondu à la première question du journaliste qui
était (de mémoire) « Serez-vous un jour Présidente du Front
National ? », cela peut laisser penser que Mme Le Pen est prête à se
présenter aux prochaines élections avec ou sans l’étiquette du FN (comme c’est
d’ailleurs déjà le cas pour sa campagne municipale)…
Marine Le Pen est une personnalité politique d’extrême
droite un peu à part : profitant de sa côte auprès des journalistes
(« sympathique », « bonne copine » selon leurs propres termes
- à ne pas prendre au premier degré bien entendu) et de sa large diffusion
médiatique, elle tente de dédiaboliser le Front National.
Pour cela, elle arrache tout d’abord l’étiquette de Parti
« antirépublicain » qui colle au FN depuis des décennies en affirmant
son attachement à la démocratie, à la République et à ses fondements (droits de
l’homme et du citoyen, laïcité etc.). Elle se permet même de donner des leçons
d’égalité (en ce qui concerne le communautarisme grandissant et – surtout,
encouragé par) à Nicolas Sarkozy - un comble !, et à la France
(médiatique) en général (il faut dire qu’avec la période de l’entre deux tours
à laquelle nous avons eu droit en 2002, ce n’est pas bien difficile)…
De plus, force est de remarquer que Mme Le Pen ne dérape jamais
(en tout cas devant un micro) sur les sujets sensibles ou tabous :
contrairement à son père à il y a encore ne serait-ce que quelques années, vous
ne l’entendrez non seulement pas prononcer de propos racistes, mais pas non
plus (c’est une exclusivité) de propos ambigus respirant la xénophobie !
Cela ne l’empêche pas, par « patriotisme » et par « amour de
l’histoire et de la culture française », d’être contre l’immigration, et
de ne pas pouvoir apprécier un bon morceau de raï que tente de lui faire
écouter un détracteur par le biais de son autoradio… Mais - certainement
beaucoup plus attirée par le pouvoir que son père, Marine Le Pen privilégie le
grand nombre plutôt que les minorités, cherchant ainsi le vote du plus grand
nombre de citoyens (de droite) possible plutôt que celui de certains
extrémistes…
L’ennui, avec cette attitude, c’est que Marine Le Pen ne
fait pas l’unanimité. Non seulement au sein de son Parti, mais également d’une
partie de ses électeurs : en « démocratisant » le FN, Marine Le
Pen tend à faire coïncider (certes fort involontairement, et bien aidée par l’ancien
ministre de l’Intérieur) son programme avec celui de Nicolas Sarkozy (ceux-ci
n’étaient d’ailleurs – en apparence, pas très loin l’un de l’autre aux
dernières élections présidentielles). Ce qui a eu pour effet de faire perdre les
voix du Front National au profit de l’UMP (d’un point de vue stratégique, pour
un électeur souhaitant la victoire de ces idées, M. Sarkozy avait bien plus de
chances de se faire élire que Jean-Marie Le Pen au second tour), mais aussi de
faire s’éloigner certains extrémistes que M. Le Pen avait toujours réussi
(grâce à ses petites phrases qui lui valurent nombre de condamnations) à garder
parmi ses électeurs…
Mme Le Pen se retrouve ainsi mise en concurrence (voire en difficulté) à la
succession de son propre père qui, pourtant - depuis qu’il a réalisé
qu’il ne pourra pas se représenter dans cinq ans, ne cesse de la défendre. Les
années à venir au sein du FN risquent d’être bien mouvementées, et pas seulement
par la vente du Paquebot. Face à cela, Marine Le Pen a apparemment décidé de se
lancer quoiqu’il arrive à la tête du Front National : il faudrait
peut-être lui rappeler qu’elle ne sera pas la première à tenter de représenter
les nationaux sans l’appui (qu’ils estimaient plutôt être un poids) du FN :
Bruno Mégret et Philippe de Villiers s’y sont risqués avant elle, avec les
résultats dont on se souvient…